Extrait de l’article intitulé « Les Mousquetaires du Roi et leurs armes » par Clément Bosson paru dans la Gazette des Armes – N°42 – Octobre 1976, avec l’aimable autorisation de cette dernière.
La compagnie des mousquetaires de Louis XIII est donc armée du mousquet ‑ presque certainement du mousquet à mèche, moins délicat en campagne que l’arme à rouet - de l'épée bien sûr et d’une paire de pistolets dans les fontes de la selle. Le père Daniel écrit dans son Histoire de la Milice Française, terminée vers 1721... les brigadiers et les sous‑brigadiers dans la suite prirent des fusils. Depuis plusieurs années, les mousquetaires ont eu aussi des fusils à l'armée et ne se servaient de mousquets que dans les revues. Aujourd'hui, ils ne s'en servent plus du tout.
En 1657, ils portent encore le mousquet à mèche.
Voici ce qu'on peut lire dans le Journal d'un voyage à Paris en 1657-1658 :
« Le 19 janvier 1657 nous fûmes voir entrer le Roy par la porte Saint‑Antoine avec ses nouveaux cent vingt mousquetaires qui luy servent aussi de garde... ils portent le mousquet et attachent la mesche à la testière entre les deux oreilles du cheval . »
Or, le mousquet à mèche entre les mains des mousquetaires est efficace.
Le Pippre, que nous avons déjà cité, relate un épisode du siège de Dunkerque par l'armée royale commandée par Turenne, alors que Condé et Don Juan d'Autriche, à la tête de l'armée espagnole (juin 1658), tentent de secourir la ville :
« ...le prince de Condé fait avancer le régiment de cavalerie par une brèche dans les dunes où ils ne pouvaient être que vingt de front. Les mousquetaires les arrêtent à coup de fusil et les mettent en désordre, ensuite continuent à importuner les troupes de Monsieur le Prince par leur feu bien ménagé... »
A quelle époque le fusil remplace‑t‑il le mousquet ?
Rappelons qu'en 1671, le roi crée le régiment des fusiliers, corps d'élite affecté à la garde de l'artillerie et armé de fusils à silex en remplacement des mousquets; on peut admettre que les mousquetaires, aussi corps d'élite, reçurent l'arme nouvelle dans le même temps. Il est, hélas! pratiquement impossible d'avoir une précision quelconque sur l'armement de la maison militaire, celle-ci ne relevant pas de l'administration de la guerre mais de celle de la maison du roi; les archives de cette dernière n'ont pas été retrouvées.
Comment se présente l'épée des mousquetaires à l'époque de la création du corps ?
Aucun objet n'est venu jusqu'à nous avec une attribution certaine, mais on peut conjecturer, sans grave risque d'erreur, en étudiant un document contemporain Le Maneige royal, écrit par Antoine de Pluvinel (1555-1620), directeur de la grande écurie du roi. Cet ouvrage, illustré de nombreuses planches par Crispin de Pas, représente les leçons au manège et les seigneurs qui y assistent. Leurs épées sont du type dit "à branches", avec un pommeau lourd en olive, ou rond, la branche de garde, les quillons droits ou recourbés, plusieurs anneaux de garde obliques, le pas-d'âne, l'anneau de côté joignant ses deux bases et des anneaux ou branches de contre-garde. La lame est large et puissante car les mousquetaires menaient toujours l'assaut à l'épée - et non à la baïonnette - ainsi que l'attestent de nombreux textes citant leurs héroïques prises d'ouvrages fortifiés. Ce livre, publié en 1626, est donc une référence valable pour l'épée des mousquetaires lorsqu'en 1622 ils entrent dans la garde du roi.
Il semble que l'épée à branche, probablement simplifiée par rapport à celle de 1622, ait été en usage chez les mousquetaires pendant la plus grande partie du XVIIe siècle. Une fresque de l'un des anciens réfectoires de l'hôtel des Invalides, attribuée à Adam-Frans Van Der Meulen (1632-1690), en collaboration avec son élève Jean-Baptiste Martin (1659-1735) ou à Joseph Parrocel (1646-1704) représente un groupe de mousquetaires au siège de Gand de 1678. L'un de ceux-ci a été reproduit par M. Eugène Leliepvre. Son épée présente une monture à branches, assez sommaire.
La cavalerie de France, vers 1680, semble être armée d'une wallonne, à large lame, avec une branche de garde, deux pontats constitués de deux feuilles de tôle. Un pontet reliant la nervure de contre-garde au nœud du corps forme pièce de pouce. Cette arme, trop simple, n'a probablement pas été utilisée par les mousquetaires.
Comment se présente l'épée des mousquetaires à la fin du XVIIe siècle ?
Essayons de trouver la réponse en consultant un savant ouvrage terminé en 1695 : Les Mémoires d'artillerie recueillies par M. Surirey de Saint-Rémy, lieutenant du grand maître de l'artillerie de France.
L'auteur présente une importante série d'armes militaires. En épées et sabres, il s'arrête à trois types: un sabre et deux épées. La planche qu'il nous soumet montre ces armes : l'une est une épée à large lame avec un gros pommeau, la branche de garde principale prolongée par le quillon de parade, le pas-d'âne au-dessus des coquilles. En bref, c'est exactement l'épée qui sera appelée plus tard épée à la mousquetaire et qui se présente ici comme une puissante épée de combat.
Or, cette épée-là est portée par des mousquetaires sur de nombreux documents de la première moitié du XVIIIe siècle. Son appellation, toutefois, est consignée beaucoup plus tard et, semble-t-il, pour la première fois dans le texte de l'ordonnance du 25 avril 1767.
Dés leur retour à Paris, avant les Cent Jours, les mousquetaires portent un sabre différent de celui de l'Ancien Régime. La monture est composée de la branche de garde et de deux ou quatre branches de côté, avec, dans la palmette, le motif caractéristique des mousquetaires: la croix fleurdelysée et enflammée. La lame est droite ou avec une légère flèche et une longueur de 33 pouces (89,3 cm).
Les épées conservées, les plus anciennes des deux compagnies, sont celles de la collection Christian Ariès et du musée de l'armée à Salon-de-Provence (ancienne collection Jean et Raoul Brunon). Christian Ariès les fait succéder, dès 1759 environ, aux modèles dits "à la mousquetaire".
Ces épées à gardes, à palmettes dorées pour la première compagnie et argentées pour la deuxième compagnie, sont surmontées d'un pommeau rond légèrement aplati avec, ciselé sur chaque face, la croix du corps. La lame est plate, puissante, longue de 34 pouces (92 cm), large de 14 lignes (32 mm) et épaisse de quatre lignes (9 mm). C'est vraiment une forte épée. Et pourtant, à cette époque, les mousquetaires ne sont plus utilisés qu'à des besognes de garde ou d'estafette.
La maison militaire du roi a vécu ses derniers jours de gloire à la bataille de Fontenoy, le 12 mai 1745.
Le sabre des mousquetaires : arme de récompense
A peine un mois après son entrée à Paris, Louis XVIII prévoit la constitution d'une commission pour l'attribution des récompenses, entre autres à ceux qui ont participé aux mouvements royalistes cherchant à s'opposer à la Révolution. Il s'agit de reconnaître les actions d'éclat accomplies dans les armées de Bretagne et de Basse-Normandie et dans l'armée royale de l'Ouest.
La commission royale, dans sa séance du 30 juillet 1816, adopte les types d'armes de récompense prévues (épées, fusils, sabres) et notamment pour « …les sous-officiers et soldats... ayant fait le service de la cavalerie, un sabre conforme au modèle du sabre de MM. les mousquetaires du roi, auquel on ne fera que subtiliser les armes de France à la croix placée entre les branches de la poignée. » Il s'agissait des armes de la deuxième compagnie (garde argentée), produites par les ateliers de la manufacture de Versailles, lors de la reconstitution du corps, sorties du château de Vincennes où elles avaient été mises en dépôt pour être modifiées. La croix est remplacée par un médaillon portant les armes de France sur un fond de drapeaux. Sur la lame: Vive le roi.
Les armes de récompense sont remises aux ayants droit le 25 août 1824, jour de la Saint Louis.
Ainsi se termine près de deux siècles d'histoire, dont 123 ans de gloire militaire.