Un roman-feuilleton à succès
L’histoire, intitulée Les Trois Mousquetaires, est publiée sous forme de roman-feuilleton dans le célèbre journal Le Siècle, du 14 mars au 14 juillet 1844. Elle s’intitule d’abord Athos, Porthos et Aramis, et c’est un journaliste qui propose à Dumas de changer ce nom pour Les Trois mousquetaires.
A cette occasion, celui-ci lui aurait d’ailleurs répondu : « Je suis d’autant plus de votre avis d’appeler le roman Les Trois mousquetaires, que comme ils sont quatre, le titre sera absurde, ce qui promet au roman le plus grand succès. »
Ce n’est d’ailleurs pas totalement absurde dans la mesure où Athos, Porthos et Aramis sont les trois seuls mousquetaires pendant une grande partie du roman, d’Artagnan ne le devenant que par la suite. Cependant, ce dernier se taille rapidement la place du héros principal, et même celle du mousquetaire idéal…
... le mousquetaire par excellence, dont la personnalité éclipse toutes les autres, ce qui eût justifié peut-être un titre comme celui-ci : D’Artagnan et les Trois Mousquetaires.
Charles Samaran
Dumas l’a certainement voulu ainsi car il commence son roman avec d’Artagnan quittant son Sud-Ouest natal, doté de son épée, de ses recommandations et de sa fougue comme l’étaient tous les Cadets de Gascogne de l’époque. C’est lui que le lecteur rencontre en premier, suit à Paris et ensuite dans toutes ses aventures romanesques et policières qui le conduisent de la cour de France en Angleterre, bravant tous les dangers mais épaulé par la solide et merveilleuse amitié de ses trois amis mousquetaires.
Pour le journal Le Siècle, l’enjeu de cette publication est important car il a pour but de contrebalancer l’engouement du roman-feuilleton Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, paru l’année précédente dans le journal concurrent La Presse.
L’attente est à la hauteur des espérances car le roman remporte un succès considérable. C’est le troisième roman que Dumas et Maquet conçoivent ensemble et leur premier grand succès. A partir de cette œuvre d’ailleurs, Dumas sera romancier avant d’être dramaturge.
On peut dire que ce roman-type eut deux succès, formidables l’un et l’autre, d’abord et surtout au rez-de-chaussée (bas de page) du Siècle, puis dans les boutiques des librairies (…) Jamais, sans doute, événement littéraire, sauf la publication des Misérables, n’absorba à un tel degré, avec une telle unanimité, la vie d’un peuple (…) l’histoire de d’Artagnan faisait tout négliger, tout oublier (…) La France entière était mousquetairisée.
Henri d’Almeras
De plus, le succès de ce roman fut universel dans la mesure où il engloba toutes les classes sociales, la province comme Paris, les hommes comme les femmes et qu’il franchit rapidement les frontières pour se déverser dans les pays voisins, puis les océans pour toucher les pays lointains...
S’il existe quelque part un autre Robinson Crusoë dans une île déserte, tenez pour certain que ce solitaire est occupé en ce moment à lire Les Trois Mousquetaires, à l’ombre de son parasol fait de plumes de perroquet.
Méry
En 1849, Dumas et Maquet rédigent une adaptation théâtrale intitulée La jeunesse des mousquetaires, puis ils écrivent la suite du roman, soit Vingt ans après et Le Vicomte de Bragelonne.
Il paraît qu’à la fin de sa vie, relisant son roman Les Trois Mousquetaires, Dumas le trouva bon, mieux même que Le Comte de Monte-Christo. De tous les personnages que Dumas avait créés, c’étaient ceux-là (les Trois Mousquetaires) qu’il préférait. Dès le début il s’identifia avec eux, mais surtout avec le plus complet, le plus populaire, le quatrième, son meilleur ami... Et Dumas était d'Artagnan, transformé en écrivain et dont la plume infatigable gardait des étincellements d’épée.
Henri D’Almeras
Dumas-D’Artagnan, voilà son nom.
Jules Janin
Les sources d’inspiration d’Alexandre Dumas
J’ai l’habitude de faire des recherches très sérieuses sur les sujets historiques que je traite.
Alexandre Dumas
Dumas a fait connaissance avec D’Artagnan à la bibliothèque de Marseille où il est venu emprunter un ouvrage intitulé Mémoires de M. d’Artagnan de Gatien Courtilz de Sandras. Ces mémoires apocryphes constituent sa première source d’inspiration. Il y découvre son futur héros, mais aussi de nombreux autres protagonistes, des aventures déjà pittoresques, des anecdotes sur l’époque qu’il va utiliser et transformer avec sa verve et son sens de l’imagination.
Savait-il que d’Artagnan avait véritablement existé ? Certainement, car Dumas, et ses collaborateurs, dont Maquet, se documentent, lisent de nombreux ouvrages historiques et notamment des Mémoires, telles celles de Mlle de Montpensier ou de Saint-Simon où le vrai d’Artagnan apparaît.
De plus, Dumas a écrit parallèlement une fresque historique sur Louis XIV et son siècle dans laquelle il relate l’arrestation de Fouquet sans omettre le rôle de geôlier que d’Artagnan y a tenu.
Cependant, il emprunte à Courtilz ce que les livres d’histoire d’alors n’ont pas encore écrit sur ce mousquetaire: l’itinéraire d’une vie.
Bien que déjà romancée et arrangée par Courtilz, il y a dans les mémoires apocryphes de d’Artagnan, un déroulement chronologique de la vie du protagoniste que Dumas va utiliser à plusieurs reprises. Le commencement de l’histoire de son héros avec son départ de Gascogne, pris dans Courtilz, deviendra d’ailleurs symptomatique de nombreux romans de cape et épée qui choisissent un héros – Gascon - quittant sa province pour aller à Paris, sur son cheval de fortune.
Dumas y puise ensuite des aventures telles que les démêlés avec le comte de Rochefort (qui se nomme Rosnay chez Courtilz), mais aussi l’arrivée du héros à Paris et sa rencontre avec Athos, Porthos et Aramis, ses amours (Mme de Bonacieux est Madeleine chez Courtilz) et des anecdotes amusantes comme l’histoire du baudrier de Porthos (porté par le Sieur de Besmaux chez Courtilz). Il y découvre aussi celle qui sera son intrigante, la troublante Milady, qui est l’énigmatique Miledi X sous la plume de Courtilz.
Avec d’Artagnan et Milady, Dumas possède ainsi, grâce à Courtilz, le duo idéal du Bien et du Mal, une des principales charnières autour de laquelle s’articule le roman-feuilleton de l’époque.
La contribution de Courtilz de Sandras à l’écriture des Trois Mousquetaires ne s’arrête pas avec ses Mémoires de M. d’Artagnan. Dumas a aussi lu ses mémoires du Duc de Rochefort ou Mémoires de M.L.C.D.R. Dans ces dernières, il a trouvé un détail qu’il va brillamment exploité : le marquage à l’épaule avec la fleur de lis, réservé aux personnes autrefois condamnées aux galères. Il en fera le signe distinctif de sa Milady.
Par ailleurs, il fallait que l’histoire rebondisse et plaise au lecteur, friand d’aventures nombreuses et palpitantes. Dumas y ajoute donc une trame policière et une intrigue amoureuse illicite avec l’affaire des ferrets de la Reine.
Pour ce faire, il a lu d’autres Mémoires, telles celles du Comte de Brienne, celles de Mme de Motteville et de Françoise Bertaut ou de La Rochefoucault qui lui inspirent directement l’histoire d’amour entre Anne d’Autriche et le Duc de Buckingham.
Quant aux ferrets de la Reine, c’est Roederer qui en serait le premier l’instigateur, soit dans son ouvrage Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France, soit dans une de ses comédies intitulées Les aiguillettes d’Anne d’Autriche qui relate les péripéties autour d’un bijou en tous points semblable à celui que l’on trouve dans Les Trois Mousquetaires et qui se trouve aussi être un enjeu entre Anne d’Autriche, Richelieu et le Duc de Buckingham. Roederer s’étant d’ailleurs lui-même inspiré des Mémoires du Comte de Brienne et de celles de La Rochefoucault.
On peut ajouter à ces diverses sources, d’après les biographes de Dumas, les Mémoires de La Porte, les Historiettes de Tallemant des Réaux, les Mémoires de Bassompierre, et l’Essai sur les mœurs et les usages du XVIIe siècle par F. Barrière et les Mémoires de Richelieu...
Enfin, il faut signaler la patte d’Auguste Maquet, qui collabore étroitement à l’écriture des Trois Mousquetaires, et qui aurait même pris son grand-père comme modèle pour le personnage de Porthos.
Cependant, tous ces documents, toutes ces tranches de vie, toutes ces intrigues qui ont servi de base à l’écriture de cette histoire ne suffisent pas à faire un roman à succès. Il a fallu assembler et tisser ces bouts entre eux, les rendre cohérents, intéressants et vivants et leur permettre de se dérouler au fil d’épisodes hebdomadaires passionnants.
C’est à ce moment-là que le génie de Dumas entre en scène et métamorphose cette collecte d’historiettes en une saga éblouissante pour en faire le roman que l’on connaît.
Trois écrivains de valeur très inégale ont collaboré aux Trois Mousquetaires : Gatien de Courtilz pour le scénario et l’intrigue ; Maquet pour la rédaction grossoyée, le brouillon et en quelque sorte la maquette (sans jeu de mots) ; Alexandre Dumas pour l’animation du récit et les dialogues, la couleur, le style, la vie.
Henri d’Alméras
Une vrai fausse référence à l’Histoire
En tant que genre littéraire, Les Trois Mousquetaires peut être qualifié de roman historique, en plus d’être un roman-feuilleton et un roman d’aventures.
Le roman historique est très en vogue au XIXe siècle et, tout comme le roman-feuilleton, a ses origines en Angleterre. Dans ce domaine, c’est à Walter Scott que l’on doit l’invention du genre dont les français découvrent les œuvres entre 1815 et 1830.
Ce mariage de l’histoire et de la fiction puise donc ses sources dans le passé sans toutefois respecter toujours la vérité, et y intègre des histoires d’amour passionné.
Les Trois Mousquetaires s’inscrivent parfaitement dans cette lignée.
Du point de vue strictement historique, il est évident que le roman présente de nombreuses incohérences dans les descriptions de lieux, de personnes ou d’événements. Mais il s’agit avant tout d’un « cadre » historique et non d’un cours d’histoire, comme Dumas le dit lui-même dans ses Mémoires :
J’ai toujours constaté l’admirable complaisance de l’histoire à cet endroit ; jamais elle ne laisse le poète dans l’embarras. Ainsi, ma manière de procéder vis-à-vis de l’histoire est étrange. Je commence par combiner une fable ; Je tâche de la faire romanesque, tendre, dramatique, et, lorsque la part du cœur et de l’imagination est trouvée, je cherche dans l’histoire un cadre où la mettre, et jamais il ne m’est arrivé que l’histoire ne m’ait fourni ce cadre, si exact et si bien approprié au sujet, qu’il semble que ce soit, non le cadre qui a été fait pour le tableau, mais le tableau pour le cadre.
Partant de ce postulat, on peut constater que de nombreux faits et personnages du roman sont proches de la réalité, à commencer par d’Artagnan, celui que des millions de lecteurs ne considèrent que comme une invention de Dumas.
Non seulement le personnage n’est pas imaginaire, mais l’homme peut déjà être considéré comme une figure héroïque de son temps.
Beaucoup de traits de caractère sont communs au héros du Dumas et au vrai d’Artagnan. Ils sont tous deux loyaux, fidèles, courageux et entreprenants, prêts à prendre des risques pour sauver la royauté.
Chez Dumas, d’Artagnan sert surtout l’honneur de la reine alors que le vrai sera un support inconditionnel du pouvoir royal, Anne d’Autriche comprise.
A la différence qu’il ne s’est jamais opposé à Richelieu car c’est sous Mazarin et Louis XIV qu’il fait carrière jusqu’à devenir Capitaine-Lieutenant des Grands Mousquetaires; Dumas a, en fait, « décalé » son histoire d’une quinzaine d’années.
Monsieur de Tréville (ou encore Troisville) a bien été Capitaine-Lieutenant des Mousquetaires sous Louis XIII et s’est, quant à lui, souvent opposé à Richelieu. C’était un béarnais d’origine, Capitaine aimé de ses hommes, à la forte personnalité et au franc parler, inconditionnellement dévoué à la cause du roi qui l’aimait beaucoup en retour. Ses mousquetaires et les gardes du Cardinal se cherchaient d’ailleurs fréquemment des embrouilles. Dumas l’a quasiment restitué à l’identique.
Athos, Porthos et Aramis se réfèrent à des personnages réels, mousquetaires de surcroît.
Athos, s’appelait Armand de Sillègue et portait comme nom de terre celui de son village – Athos – près de Sauveterre-de-Béarn. Il était neveu de M. de Tréville et mousquetaire à partir de 1640.
Porthos est Isaac de Portau et vient de Pau, mousquetaire vers 1643.
Aramis est en réalité Henri d’Aramitz, cousin germain de Tréville, béarnais de la vallée de Barétous et mousquetaire vers 1640.
Ces noms aux consonances étranges plaisaient beaucoup à Dumas qui voulaient donc en faire le titre de son roman. Était-ce parce que, comme le dit Tallemant de Réaux « les noms des mousquetaires béarnais étaient à tuer chien » ? Il faut dire qu’ils sont pour une grande part dans le succès du livre même s’ils ont posé quelques problèmes à l’éditeur qui signale dans la préface d’origine du livre: « malgré leurs noms en OS et en IS, les héros de l’histoire que nous allons avoir l’honneur de raconter à nos lecteurs n’ont rien de mythologiques. » Et pour cause, ils sont tous Gascons…
C’est justement le terroir d’origine de ces mousquetaires, d’Artagnan compris, qui fournit à Dumas la base de la solidarité – devenu légendaire - qui unit ces hommes.
Le « Un pour tous, tous pour un ! » s’appuie lui aussi sur une réalité bien tangible, celle de la grande famille gasconne qui se retrouve à Paris parmi tous ces mousquetaires et soldats du royaume.
Les Gascons sont alors réputés, tant pour leur caractère entier que pour leur bravoure, mais aussi pour leur esprit clanique qui leur permet de s’entraider et de se coopter. Ils sont des soldats redoutables et redoutés depuis plusieurs siècles, personnages truculents, généreux et bouillonnants, ces fameux cadets de Gascogne qui fournissent matière aux romanciers du XIXe siècle, à Dumas comme à Gauthier ou à Rostand.
On retrouve d’ailleurs des Gascons dans d’autres œuvres de Dumas, qu’il s’agisse des Quarante cinq ou de La Dame de Montsoreau, avec leur accent, leur sens de la convivialité et leur sincère fidélité.
Dumas devait bien connaître l’esprit gascon car même le pacte qu’il crée entre ses mousquetaires a un précédent historique. Il existe notamment une association de seigneurs gascons au XIVe siècle, scellée par un serment d’entraide inconditionnelle, qui pourrait en tous points se résumer à la formule magique du « Un pour tous, tous pour un ».
En ce qui concerne la vie des mousquetaires, elle était – quand ils n’étaient pas sur le champ de bataille - assez proche de certaines scènes épiques du roman de Dumas, notamment leur propension à s’entre-tuer, leur caractère peu scrupuleux et vaniteux et leurs amours faciles et nombreuses. Ils étaient bagarreurs et adoraient les duels malgré l’interdiction de les pratiquer, et même si la discipline était stricte dans la Première Compagnie des Mousquetaires, ils se laissaient souvent aller à des débordements dans la vie civile « admirables pendant la guerre, insupportables en tant de paix ». Certains se croyaient chez eux dans Paris, essayaient d’obtenir des passe-droits, étaient fauteurs de troubles et de désordres. Il est vrai que le moindre mot mal reçu ou l’allusion mal comprise, les faisaient facilement dégainer et sur ce point, Dumas n’a certainement pas exagéré tant les duels étaient nombreux, « à tout propos et souvent hors de propos ».
Faute de mieux, les mousquetaires se battaient entre eux, et ils se seraient battus avec le diable, mais ils préféraient avoir affaire aux gardes du Cardinal, leurs adversaires préférés.
Henri d’Alméras.
Par ailleurs, les mousquetaires du Roi n’avaient pas la même solde que les Gardes de Richelieu et il était fréquent qu’ils se fassent entretenir par une riche maîtresse pour pouvoir subvenir à leurs moyens.
Bourgeoises, comme la maîtresse de Porthos, ou grandes dames, comme la maîtresse d’Aramis, appréciaient assez ces jeunes et vaillants soldats. Boileau, dans sa fameuse satire sur le mariage, nous montre une de ces militarisées « Eprise d’un Cadet, ivre d’un Mousquetaire » et Mlle de Scudéry, non sans de sérieuses raisons, déguisait en mousquetaire le petit Dieu Cupidon, qu’elle ne connaissait, d’ailleurs, que pour ouï-dire :
Quel est ce petit Mousquetaire
Si savant en l’art militaire
Et plus encore en l’art de plaire ?
L’énigme n’est pas malaisé :
C’est l’Amour, sans autre mystère,
Qui, pour divertir Mars, s’est ainsi déguisé.
(…) Voilà pourquoi tant de mousquetaires avaient pour rien leur uniforme. Et lorsque Porthos obtint, non sans peine, que la femme du procureur l’équipât de pied en cap, il trouvait ce cadeau très normal, très naturel, et peut-être estimait-il qu’il ne l’avait que trop gagné.
Henri d’Alméras.
Et puis, en choisissant le règne de Louis XIII, Dumas s’assurait d’un contexte historique propice à un roman d’aventures. La mésentente du couple formée par Anne d’Autriche et le roi était effective et profonde et le rôle de Richelieu suffisamment ambiguë pour avoir aggravé la situation. Ce délicat trio offrait donc une toile de fond parfaite pour les intrigues. Tout comme les tiraillements entre les Gardes de Richelieu et les Mousquetaires du Roi, bien réels, donnaient de riches débouchés aux quatre protagonistes du roman.
Le grand charme du roman est bien de mêler le vrai au faux et de rendre vraisemblable ce qui ne l’est pas et peu probable ce qui l’est pourtant.
Le rapport que Dumas entretient avec l’histoire repose entièrement sur ce difficile et merveilleux exercice de style, sans oublier l’essentiel …
« … l’effort de réflexion sur l’Histoire entrepris par Alexandre Dumas, afin de lui découvrir un sens, par delà le foisonnement des chroniques et des mémoires. »
Claude Schopp.
« Le propre du roman historique est d’effacer les frontières entre le réel et l’imaginaire, d’établir entre l’un et l’autre une véritable continuité, bref de les confondre. »
Daniel Compère.
Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement Les Trois Mousquetaires, Dumas a rendu un fier service à l’histoire. Tout d’abord, il a prolongé avec panache le travail de Courtilz en permettant à d’Artagnan de ne pas disparaître. Ensuite, il a rendu vie à ce corps d’élite qu’étaient les mousquetaires. Curieusement, ces hommes - d’Artagnan en tête - qui étaient la perle fine de la Maison du Roi au temps de Louis XIII et de Louis XIV, qui ont servi leurs monarques avec un courage peu commun et qui étaient tant redoutés des armées ennemies sur les champs de bataille, auraient pu facilement glisser dans l’oubli.
Du fait de la dissolution de leur compagnie au XVIIIe siècle et de la Révolution, ils ont été balayés comme d’autres symboles du pouvoir royal. De plus, l’abnégation et le sens du devoir de leur plus glorieux Capitaine-Lieutenant - d’Artagnan - étaient telles, que ce dernier n’a jamais cherché à se rendre célèbre. Ses biographes ont du faire un travail de fourmi pour écrire sa vraie histoire et retrouver peu à peu sa trace.
Alexandre Dumas a construit ce merveilleux pont entre les siècles, le pont de la mémoire. Il nous a fabriqué un héros de fiction, qui a supplanté le vrai, mais qui en a gardé tous les principaux attributs, afin de pouvoir être redécouvert au siècle suivant. Un héros endormi attendant qu’on le réveille de l’oubli.